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La forêt s'est faite silence, les labours se sont tues, peut-être n'y a t-il plus que ces gouttes qui perlent sur tes feuilles et qui rincent de souvenirs l'orage de chaud.
Peut-être n'y a t-il plus que ce sel encore présent ça et là sur l'écorce de ta mémoire comme passage de mon désert.
Le ciel est lourd aujourd'hui sur le plat de mon pays.
J'entend une rumeur sourde vibrer dans la roche qu'hier encore tu caressais de tes cheveux, le sable gronde d'absence.
Mais le clair de tes yeux est ici, je le vois qui nourrit mes jours trop secs et mes nuits trop froides. De vert et de terre tu as habillé mes
grottes. Là d'où blotti, j'écoute ton pouls. Faible et lointain il continue de battre mes pensées. Demain, demain peut-être.
Je le sais qui t'occupe. Cet autre de la mer que je ne connais pas. Depuis hier je te sais pleine d'eau de mer, je le sens.
Le désert est plein de clous.
Mais aujourd'hui j'ai de la mousse dans le coeur et un peu de frais dans les veines. De l'eau coule dans un sillon, là où hier il n'y avait que
l'ocre pour mes yeux. De l'eau qui coure sur mes lèvres gercées, de ton humide sur ma joue et le doux de tes seins qui pèse sur mes paupières et qui caresse de généreux mon corps étendu sur de
jeunes pousses.
Alors je continue de me lever pour bouger le gravats. Celui qui, empli de chaux, me brûle la face, celui qui brouille ton visage dans cette brume
blanche qui pique les larmes.
De mes mains craquelées j'enlève ce pourri de planches mortes, de rouille et de crasse. Je couvre de propre la bâtisse qui croule sous le poids de
l'abandon. Je l'habite de mon chaud et chasse les bêtes qui en font leur festin. Seul en ces quelques jours, je lutte contre ce cancer qui la ronge.
C'est ici, en cette grande et vieille dame que je te respire, que dans le clair de mon creux mes pensées te fleurissent.
Alors demain, oui, demain peut-être, à ton sortir de l'Océan, je pourrai de nouveau t'envelopper dans mes bras d'argile et te couvrir de caresses et
de feuilles.
Loïc Arnaud, 1998